LITTLE BIG PORTRAIT de NICK DANZIGER
PHOTOGRAPHE DES EXCLUSSes clichés sont publiés dans les magazines les plus connus et exposés dans des musées comme la National Portrait Gallery de Londres, rencontre avec le photographe Nick Danziger qui a reçu de nombreux prix dont celui du World Press Photo et qui publie son prochain ouvrage « Anothe life » sur la plateforme Unbound. C’est lorsque tous les regards se détournent que Nick Danziger sort son objectif. Ce photographe britannique né à Londres et qui a passé son enfance entre Monaco et la Suisse, parcourt le globe depuis trente ans, au cœur des zones les plus déshéritées. Et a consacré sa vie à immortaliser les laissés-pour-compte. C’est le goût pour les voyages qui le conduit sur les pas de la photographie. Âgé d’à peine 13 ans, et alors qu’il vivait en Suisse, il informe ses parents qu’il part une semaine seul à Paris. « Ils ne m’ont pas cru. Mais je l’ai fait ! J’étais inspiré par Tintin. » Pour Nick Danziger, le voyage est une expérience vertigineuse et prend une forme extrême. Diplômé des Beaux-arts de la Chelsea School of Art de Londres, il délaisse la peinture à laquelle il se destinait pour un voyage de dix-huit mois, à pied, entre l’Europe et la Chine, traversant des pays en guerre comme l’Iran, l'Irak ainsi que l’Afghanistan sous l’occupation de l’Union soviétique. « Je suis entré en Chine sans visa, via la frontière avec le Pakistan. Et j’ai été arrêté ! » Très vite, le succès De retour chez lui, un éditeur le contacte pour publier son récit et ses photos. Deux semaines après sa publication en 1987, « Danziger ‘s Travels » est un best-seller. « Ensuite, je voulais revenir à la peinture mais on m’a commandé un reportage sur les attaques chimiques de Saddam Hussein en Irak. » Puis le photographe se lance dans la réalisation de films documentaires. « En 1989, je suis parti seul avec une caméra en Afghanistan. » Une fois diffusé sur la BBC et ARTE, son film « War, Lives et Videotape » remporte le Prix Italia du meilleur documentaire de l’année. S’en suivront une quarantaine de films. C’est aussi lors d’un voyage en Afghanistan qu’il adopte trois enfants et que Monaco lui ouvre ses portes, quand son pays natal qui ne reconnaissait pas l’adoption monoparentale, les lui ferme. Depuis, il s’est établi en Principauté, s’est marié et a eu trois autres enfants.
Donner la parole aux exclus « Je travaille soit à la commande, soit je cherche des lieux qui ne sont pas sous le feu des projecteurs. J’aime donner la parole à ceux qui n’ont pas la possibilité de s’exprimer, en particulier les femmes, les enfants, les migrants, les SDF. » Ses sujets sont graves : pauvreté, exclusion, guerre. Il saisit les détails, les silences, le désespoir, brosse le portrait intime d’êtres plongés dans l’extrême pauvreté. Et avec l’idée de retourner régulièrement sur ses pas. Dans un monde où une image chasse l’autre, Danziger prend son temps et tisse des liens avec ses sujets. « Cela fait 30 ans que je vais en Afghanistan, au Niger, en Ethiopie, en Bolivie... Les personnes que je photographie sont dans la confiance car j’essaie, de mon mieux, de ne pas les abandonner.» Un de ceux qui l’ont le plus marqué est Abbas, un petit garçon chercheur d’or dans les mines du Niger. « Il risquait sa vie au quotidien dans un puits de 23 mètre de profondeur sans mesure de sécurité, pour chercher de l’or. Qui sait parmi les acheteurs de bijoux, les drames vécus par ces enfants ? » Et parfois, il les recherche, jusqu’à l’obsession, comme Mah Bibi, orpheline afghane de dix ans, devant élever ses deux petits frères. « J’y suis retourné quatre fois, sans la retrouver. » Peu d'espoir Il y a-t-il des histoires heureuses ? « Dans l’extrême pauvreté, il est très difficile de s’en sortir. C’est un monde avec peu d’espoir, où les gens vivent parfois sans un centime en poche, dans le dénuement le plus total. Et comme ils ont une plus grande connaissance de la manière dont on vit ailleurs, ils risquent leur vie pour venir chez nous. » Nick Danziger capte aussi bien la tragédie des migrants que des enfants quittant les campagnes pour chercher du travail à La Paz, Ouagadougou ou Addis-Abeba. Et le retour chez lui n’est pas toujours aisé. « C’est très difficile de passer d’un monde où les enfants meurent car ils n’ont pas de lait à un autre où on en trouve en abondance et sous toutes les formes, dans nos supermarchés. » Elan de solidarité Pour Nick Danziger, la photo doit jouer un rôle politique, au-delà d’une simple prise de conscience et déclencher un élan de solidarité, comme un soutien à une action humanitaire. Et l’envie de réveiller une société endormie. Pas évident dans un monde où le numérique a révolutionné sa profession et les images sont omniprésentes. « On vit dans le règne de l’instantanéité. On a accès à tout mais on s’intéresse de moins en moins aux choses en profondeur. La banalisation de la violence, des situations difficiles, précaires, y compris dans nos sociétés, fait qu’on s’y habitue. Et les médias offrent de moins en moins d’espace pour raconter ces histoires. » C’est du côté des enfants qu’il place de l’espoir, comme lors de sa récente visite dans une école en Suisse. Les lettres qu’il a reçues après son passage sont autant de témoignages d’une justesse inouïe sur leur subite prise de conscience d’être né du bon côté et leur compassion envers ceux qui ont eu moins de chance. Une autre vie Son prochain livre, Nick Danziger a choisi de le publier via la plateforme de financement participatif Unbound. Intitulé « Another life », il s’agit de dresser le portrait de 25 familles vivant dans huit pays et quatre continents, qu’il a rencontrées au moins trois fois en dix ans. Et de suivre leur évolution au cours de ces années, afin de constater si les Objectifs du Millénaire pour le Développement de l’ONU (OMDs) en terme d’éducation, d’accès à la santé, d’égalité des sexes, etc. ont conduit à l’amélioration de leurs conditions de vie. Ou non. En attendant, on le sent démangé par l’envie de peindre. « Un jour je reprendrai la peinture. » Mais la photo semble exercer sur lui comme un appel irrépressible, une nécessité. «Ma femme aimerait que j’arrête tous ces voyages mais je sais que, tant qu’on me proposera un reportage fort, je continuerai. » Pour plus d’informations : www.nickdanziger.com et https://unbound.com/books/another-life |
© NICK DANZIGER
Mah Bibi, 10 ans, a fuit la guerre et la sécheresse, Ghor, Afghanistan, 2001 @ NICK DANZIGER
Abbas, 15 ans, les mines d’or de Komabangou, Niger, 2005 © NICK DANZIGER
Ri Hyang Yon, 31 ans, danseuse, Pyongyang, Corée du Nord, 2013 © NICK DANZIGER
"j'ai besoin de lumière, comme un peintre"Quel lieu vous inspire le plus à Monaco ?
Plus qu’un lieu, la lumière et le beau temps. J’ai besoin de cette lumière, un peu à la manière d’un peintre. Vos restaurants coup de coeur ? Je sors très peu et je préfère diner à la maison car je suis très souvent en déplacement. Sinon, j’aime faire des pique-niques en famille. Vos bons plans forme ? Des randonnées en montagne, en particulier des endroits avec des lacs près des crêtes, comme dans la vallée des Merveilles. Un de vos petits bonheurs quotidien ? La lecture, quand j’ai le temps ! Des artistes locaux que vous admirez ? Le guitariste John McLaughlin et le peintre Spencer Hodge. Ce sont aussi de bons amis. Et leurs épouses qui les soutiennent ! Votre adresse secrète à révéler à nos lecteurs ? Chez Quinquin, rue des Roses. Un restaurant populaire monégasque. |
© FREDERIC JOLI / CICR Paris
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