LITTLE BIG PORTRAIT JOSÉ CURA
L'ENCHANTEURS’il a connu la notoriété internationale grâce à son exceptionnelle carrière de ténor, José Cura est aussi chef d’orchestre, compositeur et metteur en scène, entre autres. Il vient d'incarner Tannhäuser à l’Opéra de Monte-Carlo en février dernier. Un artiste hors norme, guidé par la créativité et l’amour de la musique, dont le dernier album, « Love songs » de Dvorak vient de sortir sur iTunes*. Brun, carrure imposante, prestance et voix envoutante. C’est un ogre au regard doux. Un ogre séduisant. José Cura donne l’impression de dévorer les rôles. Sans compromis. Il semble fuir le raisonnable qui l’aurait cantonné notamment aux grands emplois verdiens ou pucciniens. Et trace son chemin singulier, jamais là où on l’attend. En février dernier, il incarnait le rôle titre de Tannhäuser, à l’Opéra de Monte-Carlo, dans sa version française, joué pour la première fois depuis sa création à l'opéra de Paris en 1861. Un nouveau défi, réussi, pour un artiste qui n’avait pas encore exploré le répertoire wagnérien. Un rôle dantesque, avec quasiment trois heures de présence sur scène, celui d’un chanteur écartelé entre amour charnel et divin. Artiste multiple A peine parti, il laissait un public monégasque conquis, pour créer l’oratorio qu’il a composé « Ecce Homo » à Prague avant de s’envoler à Bonn pour y répéter « Peter Grimes » de Benjamin Britten qu’il interprétera pour la première fois en mai prochain. Et qu’il mettra aussi en scène. De quoi donner le tournis, mais pas à lui qui affiche un calme olympien, trouvant naturel de cumuler les casquettes de ténor et compositeur ou ténor et metteur en scène, quand ce n’est pas aussi chef d’orchestre et décorateur. Sans oublier la photographie qu'il affectionne particulièrement**. On aimerait ajouter aussi acteur tant il incarne ses rôles avec une intensité douloureuse ou joyeuse, c’est selon, sans jamais s’économiser. Il travaille, explore, approfondit, outrepasse. Et aime expérimenter des voies audacieuses, poétiques, au risque de dérouter un public qui n'aimerait l'entendre qu'en éternel Calaf ou Samson. Comme ce fut le cas à Monaco en 2014 lors d'un récital où il composa une soirée argentine pleine de grâce. L'équivalent au cinéma, ce serait Orson Welles. En réalité, José Cura est un artiste libre, inclassable. Il échappe à toutes les étiquettes. Et fait ce qu’il veut. D'abord la composition et la direction d'orchestre Son incroyable parcours l’a conduit de Rosario, sa ville natale en Argentine aux plus belles scènes du globe qu’il enchante depuis deux décennies. Enfant, il apprend la guitare, puis le piano, devient chef de chœur et se forme à la composition et la direction d’orchestre. Il ne s’imagine pas alors en soliste. C’est le directeur du Conservatoire de Rosario qui détecte son don et lui conseille d’étudier le chant lyrique. Puis il décroche une bourse à l'Institut Supérieur d'Art du théâtre Colón à Buenos Aires. Et comme dans toutes les belles histoires, il y a des rebondissements et des rencontres heureuses. Au début des années 90, José Cura quitte l’Argentine, offrant alors peu de perspectives, pour tenter sa chance en Italie, femme et bébé sous le bras, après avoir vendu l'appartement familial. Mais au bout de quelques mois de vache maigre et plus un sous en poche, il décide de rentrer chez lui. Et se souvient in extremis qu’un de ses amis argentins lui avait confié, avant son départ pour l'Europe, le numéro de téléphone d’un professeur de chant à Milan. Il obtient un rendez-vous avec le maestro et lui interprète un air d’Andrea Chénier. Subjugué par sa voix, le professeur le prend sous son aile. Plus question de rentrer en Argentine. Et Cura décroche peu à peu des rôles qui le mèneront au sommet. Producteur indépendant Cette vie de bohème, il s’en amuse aujourd’hui. Mais il en a peut-être gardé une volonté d’indépendance. Son prochain défi est la production et la vente de ses albums en ligne sur les principales plateformes numériques comme iTunes*, à l’image de « Love songs », d’Antonin Dvorak, oeuvre poignante évoquant un amour impossible du compositeur. Partageur, José Cura a aussi le souci de transmettre. Professeur invité à la Royal Academy de Londres, il y anime des master-classes, ainsi que dans de nombreux autres pays dont la France. Et confie ressentir une complicité et un attachement particulier avec Monaco et son opéra, où il revient régulièrement. Un passionné fidèle. * Avec Irina Kondratenko au piano. A télécharger sur iTunes, Amazon, Spotify, etc. ** "Espontaneas" José Cura. (Cuibar / Scheidegger & Spiess, 2008.) "Otello", de Verdi, un de ses rôles phares. @ DR
"Samson et Dalila" de Camille Saint-Saëns @ DR
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@ DR
Tannhäuser, Opéra de Monte-Carlo 2017, mise en scène Jean-Louis Grinda @ 2017 Alain Hanel OMC
Tannhäuser, Opéra de Monte-Carlo 2017, mise en scène Jean-Louis Grinda @ 2017 Alain Hanel OMC
Je n’ai jamais autant souffert pour m’approprier un rôle !Vous venez de chanter pour la première fois Wagner et en Français ! Comment décririez-vous cette expérience ?
Comme escalader une montagne ! Non seulement la partition est très longue, la complexité vocale énorme mais aussi la quantité de texte est immense. Comment abordez-vous un nouveau répertoire et un rôle comme Tannhäuser? Normalement, je commence par l’étude du livret, puis je m’imprègne de la musique afin de voir comment le compositeur a imaginé la façon dont les mots sonnaient. Dans le cas de Tannhäuser, le processus a été très lent parce que j’ai lutté, comme jamais auparavant, pour mémoriser le texte. Peut-être parce qu’à de nombreux moments, j’avais le sentiment que les paroles françaises s’entrechoquaient avec la musique. Je n’ai jamais autant souffert pour m’approprier un rôle ! Comment avez vous découvert votre voix ? Quand j’ai compris que ma vocation était la musique, mon rêve n’était pas de chanter mais de diriger et de composer. Ce n’est que plus tard, pour des raisons économiques, alors qu’il était impossible de survivre en tant que compositeur et chef d'orchestre dans les années quatre-vingt en Argentine, j’ai commencé le chant lyrique. Au début, je chantais dans les chorales, les mariages, les centres commerciaux, en échange de quelques pièces de monnaie. Un jour, réalisant que je ne pourrais jamais progresser dans l’Argentine de l’époque, j’ai décidé de tenter ma chance en Europe. Ce qui est arrivé ensuite fait maintenant partie de la légende... Ténor, vous êtes aussi chef d’orchestre et metteur en scène. Qu’est ce qui vous donne le plus de plaisir aujourd’hui ? Impossible de répondre à cette question ! C’est un peu comme si je vous demandais lequel de vos enfants vous aimez le plus. Chaque discipline est liée l’une à l’autre et ce lien, c’est la musique. Mais aussi, chacune a des caractéristiques propres qui la rendent unique, tout comme le plaisir que j’éprouve pour chacune d’elles. Je trouve donc du plaisir différent mais tout aussi fort pour chaque chose que je fais. Vous êtes professeur invité à la Royal Academy de Londres et vous animez régulièrement des master classes. Transmettre, c’est essentiel pour continuer à faire vivre l’opéra ? Transmettre est essentiel pour la survie de l’espèce en général… Vous revenez régulièrement vous produire à Monaco. Quelle est votre relation avec l’Opéra de Monte-Carlo ? Et comment vous sentez vous sur cette scène en particulier ? Ma relation avec Monaco est très belle. Non seulement j’aime particulièrement l’équipe de l’opéra de Monte-Carlo qui est très talentueuse et sympathique, mais aussi le pays et ses habitants. Je peux dire sans exagération que Monaco est l'un des endroits du monde où je me sens le mieux. Qu’aimez vous à Monaco ? Un lieu qui vous inspire ? Un bon restaurant ? Je n’aime pas beaucoup aller au restaurant et préfère prendre mes repas à la maison et cuisiner. A Monaco, je suis un peu gâté, parce que mes amis sachant que je n’aime pas aller au restaurant, m’invitent souvent chez eux ! A Monaco, un de mes plaisirs est de commencer la journée et de la terminer en observant la mer. Mon rêve serait d’y vivre quelques mois par an. Quels sont vos projets ? Juste après Tannhäuser, je suis allé à Prague pour la première mondiale de l’oratorio que j’ai composé « Ecce Homo. » Puis j'irai à Bonn, pour interpréter et mettre en scène Peter Grimes. Je mets également en scène deux nouvelles productions, "Nabucco" à Prague et "Fanciulla del West" à Tallinn, toutes les deux pour 2018. Par ailleurs, je suis en train d’écrire le livret de mon premier opéra. Et mon nouvel album, "Love Songs" de Dvorak vient de sortir. C’est mon premier lancement numérique en tant que producteur indépendant. |
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