LITTLE BIG PORTRAIT RUGGERO RAIMONDI
DON RUGGEROLe célèbre baryton-basse Ruggero Raimondi a évoqué sa carrière et son engagement envers la cause des enfants, lors d’une conférence au Monaco Press Club en avril dernier. Rencontre avec un artiste envoûtant. Allure juvénile, regard malicieux, sourire séducteur, Ruggero Raimondi est un jeune homme de 75 ans. Italien naturalisé Monégasque par le Prince Rainier II, il est l’inoubliable « Don Giovanni» dans le film de Losey. Et aussi l’interprète magistral de "Boris Goudounov", Philippe II dans "Don Carlo", Don Basilio dans "le Barbier de Séville"... Impossible d’évoquer tous ses rôles. Evidemment, on aurait envie de l’entendre chanter ! Juste un petit air… Mais il est là pour parler de son exceptionnelle carrière. « Quand j’étais jeune, j’ai pris des cours de comptabilité et quand il a fallu étudier les mathématiques financières, je me suis dit, il est temps d’arrêter ! » Il chantait alors essentiellement sous la douche « à la manière d’un crooner ». Mais sa famille, -des commerçants mélomanes de Bologne-, réalise que sa voix est particulière. Et le convainc de passer une audition avec le chef d’orchestre Francesco Molinari Pradelli. Celui-ci juge sa voix si belle qu’il lui propose de le payer si jamais il ne faisait pas carrière ! Jouer des méchants ! Raimondi gagne ensuite le concours des jeunes chanteurs à Spolete. « Et là, c’était parti. » Très vite, il a envie de jouer des méchants, comme Scarpia dans "Tosca". Et puis il aborde Boris Goudounov, en italien d’abord, puis en russe. Il apprend la langue pour être au plus près de l’œuvre. « C’est un des plus beaux opéras qui ait été écrit. J’ai pris un plaisir incroyable à le chanter. » Pour se préparer, il regarde les films d’Eisenstein, « afin de travailler l’expression, proche de la folie ». Il l’interprète pour la première fois à la Fenice, à Venise. Un de ses plus beaux rôles, selon lui. « Et aussi, dans Don Carlo, j’étais pas mal !», dit-il en riant. Perdre le contrôle Artiste superlatif, Ruggero Raimondi ne s’économise pas quand il aborde un rôle. « Vivre un rôle, c’est perdre le contrôle. Je me suis toujours jeté dans la peau des personnages. A la fin de l’opéra, j’étais, à chaque fois, détruit et je devais me reconstituer au lieu d’aller diner ! » Et de confesser : « C’est beaucoup de plaisir mais c’est aussi très fatigant ! » Pour lui, cet engagement total est la seule façon d’aborder son métier. Parmi ses partenaires préférés, il cite Placido Domingo et Luciano Pavarotti. Et de fustiger les chanteurs qui se contentent d’entrer sur scène, font quelques pas, chantent et puis s’en vont. « Quand on a une belle voix, il faut tout donner ! » Raimondi offre la même énergie quand il met en scène, comme l’année dernière pour « Attila » à l’Opéra de Monte-Carlo. « Je suis très passionné quand je fais de la mise en scène ». On n'en doute pas ! Famille soudée Cette passion, il la vit aussi dans la vie, auprès de son épouse madrilène Isabel. Il la rencontre en 1971 à Bilbao. Et en tombe fou amoureux. Elle est l’assistante du metteur en scène de l’opéra qu’il est venu chanter. « Je voudrais vous épouser », lui demande-t-il alors qu’il la voit pour la première fois. « Vous êtes fou ! » lui répond Isabel. Réponse sans appel. Mais quelques années plus tard, ils se retrouvent à Paris, dans une production de Carmen à l’Opéra comique. Et Isabel finit par dire oui ! Ensemble, ils auront trois enfants dont Rodrigo, jeune garçon trisomique. Ruggero Raimondi est d’ailleurs venu en famille, avec Rodrigo et Isabel, un trio que l’on sent très soudé et aimant. Et si Raimondi ne chante plus aujourd’hui, il fait des exceptions pour des galas de charité au profit d’associations pour les enfants atteints de handicaps et oeuvre pour leur scolarisation. Un artiste passionné mais aussi généreux. |
© Le grand tour
Ruggero Raimondi interviewé par Joëlle Deviras au Monaco Press Club en avril 2017
Raimondi mettant en scène Rachele Stanisci dans "Attila" de Verdi à l'Opéra de Monte-Carlo en avril 2016 @ OMC
"Don Giovanni", film de Joseph Losey
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